Il faut le voir pour le croire
Je venais de dire « oui ! », en réponse à l’invitation formulée par Lucille Biesmans, secrétaire de BKC.
Partir en Afrique… Partir en Afrique ? La vidéo que je venais de voir m’a immédiatement convaincue d’oser le voyage.
Aller voir là-bas, ce qu’il se passe, si loin de ma réalité. Ouvrir un espace dans ma vie pour connaître un autre mode de vie. Partir d’une bonne intention en me rendant utile dans la récolte de divers matériels : médical, scolaire, vestimentaire, …
Concrétiser un rêve humain : me donner pour les autres, et devenir partenaire d’un grand projet « humain »… à toute petite échelle d’une ASBL, parmi tant d’autres, qui, depuis 2009, s’est mise à l’écoute des projets personnels et locaux, qu’elle accompagne et soutient concrètement par le micro-crédit.
J’ai vite été rattrapée par mes propres peurs : les maladies à risques, quitter mes enfants, surtout je l’avoue, quitter un certain confort « sécurisant », sans compter le coût du voyage.
Ma devise « Une vie sans risque, c’est pas une vie ! » allait une fois de plus être moteur de ce nouveau projet.
Intérieurement ces moments de combats que j’appelle « spirituels » sont bien souvent nécessaires à me mettre en mouvement, ils m’aident à sortir de moi-même.
Cet appel, Lucille l’avait énoncé d’abord auprès des jeunes élèves de notre école Saint Stanislas, dont elle est la Directrice. Sur base de leur lettre personnelle de motivation, elle a ainsi rassemblé un groupe de 6 élèves qui seraient accompagnés de 4 adultes : 2 enseignants, la préfète et elle-même.
Une soirée d’information fut organisée autour d’une vidéo qui nous a permis de nous rendre compte de ce qui se fait là-bas et de ce que nous allions vivre en partie durant ce voyage de collaboration avec les autochtones soutenus par l’ASBL.
Jour du départ sous la neige et arrivée de nuit sous un ciel étoilé et une lune renversée.
Au premier réveil, le soleil et une chaleur extraordinaire avoisinant le 38 degrés.
Les premiers sons de ma petite guitare, désaccordée d’un ton.
Décidément, ici, tout est différent.
Pas d’asphalte bitume sur les routes mais de la terre rouge dont le vent se charge de soulever la poussière.
Je suis allergique, une fois encore, ici je dormirai différemment, assise dans un fauteuil prêté aimablement par Michel, protégée par la moustiquaire que Célia et Michaël, deux enseignants ont aimablement préparée pour rendre mon sommeil le plus confortable et le plus sécurisant possible.
Le premier jour, Jean-Baptiste nous a présenté les jeunes correspondants burkinabés qui s’étaient engagés à être nos guides bienveillants. Des jeunes extraordinaires de gentillesse, de bienveillance à notre égard. Ils nous ont permis de découvrir la ville de Koudougou avec ses petits marchés locaux, comme le plus important sis au centre de la ville.
En déambulant à pieds, le long des rues animées par les commerçants et les clients, nous étions ébahis par la tranquillité, le rythme lent de la vie, les ‘N’sara ! » (ce qui veut dire « Les Blancs » ; y compris pour moi qui suis quarteronne) criés par les enfants qui nous offraient leur sourire et leur envie de venir nous serrer la main, nous accompagnant un temps pour retourner ensuite auprès de leur maman ou de leurs occupations. De surprises en surprises, nous arrivons aux abords de quelques écoles, les élèves pourtant jeunes, sont seuls, livrés à eux-mêmes en attendant l’arrivée de leurs parents. Certains sont dans la cour et jouent ou chantent, d’autres sont en classe, où ils s’adonnent à recopier calmement les derniers contenus de cours encore présents au tableau. Une ambiance paisible, sereine et joyeuse.
Pour nous faire plaisir, Les enfant se rassemblent et nous chantent leur hymne national, chanté chaque matin, au lever du drapeaux.
Respect.
Et pourtant, partout, jonchent des sacs de plastiques très colorés, eux aussi. Les déchets sont partout. Quelle folie ! Rien n’est mis en place par le gouvernement pour préserver la propreté des lieux.
J’ai eu l’occasion d’aborder le sujet avec Jean-Baptiste et Daniel de l’Association Pya Sulu des Jeunes de Nedialpoun très sensibles à cette dramatique situation. Daniel m’a récemment envoyé les photos de la dynamique qu’ils ont mise en place en visitant les écoles dans le but de sensibiliser et d’éduquer les jeunes à la propreté dans leur lieu d’apprentissage. L’idée d’organiser une battle entre les écoles pour récompenser celle qui aura été la plus méritante dans le respect de l’environnement est née de nos palabres, la nuit sous les étoiles, autour de la table qui nous rassemblait une dernière fois avant notre départ.
Un exemple parmi tant d’autres de ce que nous pouvons nous apporter mutuellement car, en Belgique, pays de luxe, avec des poubelles colorées, placées un peu partout, nous connaissons les mêmes difficultés de respect de l’environnement. Ce n’est donc pas avec un orgueil mal placé que j’ai pu parler de ce sujet avec les responsables de l’ASBL APJN mais en échangeant nos réalités, en étant à l’écoute les uns des autres.
Ce qu’ils m’on permis de découvrir, c’est que là-bas, on ne baigne pas dans l’affliction, avec des « on n’a qu’à », « il faudrait », « comme c’est triste », … de la résignation.
Non. L’énergie est utilisée à faire ce que l’on doit et ce que l’on peut en fonction de ce qui nous dépasse et ce sur quoi on n’a pas prise.
C’est tellement vrai. Mais il fallait le voir pour le croire… et en vivre ici, depuis le retour au pays.
Le soleil règne en maître avec la sécheresse. La pluie, quand elle vient, n’est pas toujours une « amie », trop d’eau détruit aussi la flore, en déracinant les arbres, en déplaçant les terres… sans compter le fléau des moustiques et le lot des malades qui en subissent les effets graves voire mortels.
Je repense à Philippe qui nous a si bien reçu au sein de sa famille, dans la brousse. Il nous a montré son potager, immense, propre, travaillé méticuleusement chaque jour par petites parcelles carrées, d’oignons, d’oseille, … nous avons vu les puits creusés de mains d’hommes, qui trop vite s’affaissent malheureusement. Nous avons vu les puits offerts par BKC, cerclés de bétons, assurant une pérennité au travail quotidien des cultivateurs dépendant d’un accès à l’eau.
J’ai pour lui une grande admiration. Il est habité d’une paix tranquille, d’une force intérieure qui repose sur sa foi et sur les devoirs qui lui incombent, auxquels il répond chaque jour fidèlement en toute humilité.
Il y a de la joie là-bas qu’on ne connaît pas ou plus ici. C’est à pleurer.
Il y a de l’émerveillement là-bas qu’il est si difficile de ressentir ici où pourtant, il me semble que nous avons tout ! Nos prisons sont verrouillées de désirs et de besoins incessants, inassouvis, loin, si loin de l’essentiel, du réel, du bien commun quand tout ne se ramène qu’à l’ego.
Là-bas, ils vivent de notre devise belge « L’union fait la force ! »
Je l’ai vu au Mont Sandié… quand les femmes, gravissent comme des gazelles le flanc d’un versant de la vallée pour y prendre des morceaux lourds de roches posés sur leur tête et les descendent. Ensuite ce sont les hommes qui, ensembles les enferment en amas solides, à l’aide de fil de fer. C’est ainsi qu’ils préparent l’arrivée prochaine de la pluie, des torrents d’eau qui emporteront des amas de terres qui finiront leur course dans ses blocs des roches.
La fête est là dans le combat de tous les jours dans le quotidien, dans la rencontre avec l’autre. Ce fut le cas chez Michel et son épouse Agnès qui nous ont accueillis en nous offrant un festin de roi. Alors que nous étions gâtés, Michel a pris la parole pour nous remercier de les honorer de notre présence. J’en avais les larmes aux yeux car c’est nous qui étions honorés de l’accueil qu’ils nous offraient de l’extrême bonté avec laquelle ils se sont souciés de nous, de notre bien être, de notre confort, tout au long de notre séjour.
Comme à l’orphelinat où nous avons approché la réalité des enfants qui sont admirables de courage, de respect vis-à-vis des adultes qui les encadrent jours et nuits ; en dehors des moments où ils peuvent rejoindre des membres de leur familles durant les congés.
Ils sont appliqués en classe et vivent avec la volonté de rendre leur quotidien le plus agréable possible.
Il y a tant d’autres moments merveilleux que j’aimerais relater car ils font tellement partie de moi à présent. Cet AKUNA MATATA j’en vis le plus possible depuis on retour au pays, dans ma réalité quotidienne. Bien des soucis de vie qui m’écrasaient ont trouvé une nouvelle place, bien secondaire. Mes luttes ne sont plus les mêmes. Cette sérénité acquise en fréquentant les partenaires de BKC, je la cultive à l’exemple de Philippe. L’envie de donner le meilleur de moi-même, je veux en vivre à la suite de Michel qui fut un véritable Archange pour nous depuis notre arrivée à l’aéroport, et chaque jour et nuit à bord du pick-up rouge de l’ASBL, durant notre safari dans le parc de Nazinga, jusqu’au dernier moment où nous l’avons vu de loin, rentrer chez lui après avoir tout donné pour nous conduire en toute sécurité aux abords de l’aéroport pour notre retour.
Pour moi, « Je suis venue, j’ai vu et j’ai été convaincue.»
Après les expériences vécues, les échanges de mails actuels se confirme pour moi, le projet personnel d’aller au-delà du rêve d’aller voir là-bas…
A présent, avec tout l’enthousiasme qui fait partie de moi, j’envisage un avenir dans lequel je pourrai trouver ma place auprès de ces nouveaux partenaires avec lesquels une collaboration est née sur place, remettant dans ma vie certaines choses à leur juste place, réjouie qu’en mon cœur ils aient déjà trouvé à se faire une place au soleil.
Lisette Cassalaco